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AMP : Google veux dégraisser le web des news, pour aller plus vite ?

AMP Accelerated Mobile Pages by Google

En octobre 2015, Google dévoilait son nouveau plan pour accélerer le web mobile sobrement nommé Accelerated Mobile Pages ou AMP, une initiative de plus pour une entreprise du secteur pour tenter de gérer le problème de la lenteur du web sur les mobiles. En tous cas c’est l’intention du projet affichée par Google.

AMP, Instant Articles, Apple News : le web restera-t-il l’espace ouvert qu’on connait ?

Accélerer la publication des news Les gains en vitesse sont réels. Mais les éditeurs de contenu d’actualité aujourd’hui acteurs dans l’espace – normalement – ouvert du web tel que nous le connaissons se lanceront-ils dans une autre forme de diffusion sur laquelle ils ont finalement peu de contrôle ?

Les autres grandes firmes du secteur Hi-Tech y vont aussi de leur projet pour permettre aux articles d’actualité de se charger plus vite dans les sites ou les applications. Facebook propose ses “Instant Articles” et Apple aimerait bien que les medias embarquent dans son application “Apple News”.

Le projet de Google vise plutôt à changer la diffusion des articles sur le web mobile qu’à construire sa propre application ou un nouvel environnement. C’est peut-être la raison pour laquelle le projet AMP commence dès le début avec une belle brochette de partenariats dans le secteur technologique, comme Twitter, Pinterest, LinkedIn, et aussi dans le secteur de l’édition, comme The New York Times, Vox Media, the Financial Times, Huffigton…

Comprendre les enjeux, rester vigilant…

Il y a d’excellentes idées dans l’approche AMP. Et ça marche, le temps de chargement des pages d’articles est spectaculairement réduit. L’objectif annoncé est atteint.

Certes, il ne s’agit pas d’un partenariat d’affaire avec Google, sur le modèle des Instant Articles ou des Apple News. AMP veut changer la façon dont les pages web sont construites, en privilégiant certaines technos par rapport à d’autres. Dans un monde numérique qui voit naitre des plateformes sous contrôle et des applications qui emmurent les contenus dans des jardins privés, le web est le dernier espace ouvert à tenir debout, construit au cours de ces 2 dernières décennies. Il y a tout de même un aspect perturbant dans le fait que quelques ingénieurs de Google décident des parties à jeter…

Certes les éditeurs décident de l’adoption d’AMP, ou pas, et oui, il s’agit d’un projet OpenSource, et aussi les gains en vitesse d’affichage sont réels et impressionnants. Les éditeurs peuvent aussi choisir de s’impliquer dans les Instant Articles de Facebook ou les Apple News. Mais ne s’agit-il pas là d’un pas de plus dans l’évolution de l’impuissance des éditeurs, encore une histoire dans laquelle les grands acteurs du secteur high tech fixent les règles ? On se rappelle de la guerre des navigateurs, Explorer avec ActiveX de Microsoft contre Netscape (RIP) et javascript dans cette lutte pour imposer des standard ouverts pour le web. Mais peut-être le géant Google est-il sincèrement préoccupé de sauver l’édition d’elle-même ?
L’histoire nous dira…

Comment cette histoire a commencé…

La motivation de Google est connue : elle tire ces revenus de la publicité, et une bonne partie des gains provient du web ouvert.
Même si Facebook (et d’autres aussi, mais surtout Facebook) fournit une expérience mobile de loin plus réussie que n’importe quelle autre sur le web ouvert, ces opportunités de publicité (et les données des utilisateurs) disparaissent dans le jardin paradisiaque de Zuckerberg, entouré de très haut murs.

Who is at NewsGeist ? Le projet est né d’une discussion au cours d’une conférence sur les relations entre les éditeurs de presse et les gens du secteur de la technologie numérique (NewsGeist USA ). On y parlait de Facebook et de ses “Instant Articles”. Personne ne critique l’application, son interface et l’expérience utilisateur. Superbe. Par contre un frisson de controverse parcours la reflexion qui prend conscience d’une vision Facebook comme réseau dans le réseau. Signer avec la compagnie pour publier ses “Instant Articles” sur la plateforme est problématique quand on voit comment son contenu est happé, capté, voire enfermé sur ce réseau dans le réseau. On aide Facebook à devenir “Internet” à lui seul. Et, le coté diabolique, non seulement tout l’argent de la pub finance ce développement, en plus ils gardent les données.
Alors Google reprend cette idée de diffusion de contenu, avec un nouveau format pour le fournir et l’insérer rapidement et avec efficacité en terme de chargement, mais sur n’importe quel support du web ouvert, et qui plus est avec une rénumération, des statistiques d’analyse pour le suivi de la publication et des liens de l’intérieur du contenu vers l’extérieur.

Alors ! Qu’est-ce que AMP ?

AMP est un regroupement de technologies, mais il s’agit tout d’abord de ce qu’on pourrait un sous-ensemble du code HTML. Le langage HTML est à la base de l’affichage des pages web. Il inclus certains éléments qui se chargent plutôt rapidement dans les navigateurs, et d’autres plutôt lentement. Le but de AMP est de supprimer les éléments lents, notamment le Javascript.
Le web d’aujourd’hui est multiforme. On y trouve des web App, des plateformes de commerce en ligne, des environnements de jeu, et plus encore.
Le directeur technique du projet AMP, Malte Ubl, le décrit comme suit :

“Nous nous concentrons uniquement sur le contenu statique des pages web qui permet une approche de l’optimisation plus radicale et plus facile à mettre en oeuvre. L’idée originale consiste à utiliser un sous ensemble restrictif des éléments à choisir dans le HTML de façon à ce que les documents se chargent et s’affichent de façon performante et fiable. Nous avons constaté assez tot que les problèmes de performance proviennent de l’intégration de multiples librairies Javascript, d’outils, d’insertions de widgets, etc. (…) En prenant conscience de cela, nous avons décidé que les documents HTML AMP ne devraient présenter aucun Javascript personnalisés, ni aucun autre script…”

le web en régression ?!

Pas de scripts personnalisé ! Pas de pub donc ?! Si il y a bien des éléments de la page web qui en utilisent, il s’agit bien des publicités, avec notamment leur trackers de comportement…

Le minitel avant le web Certains tags HTML sont aussi rejetés : iframe, embed, object, et tous les scripts autres que le JSON (et le script JS qui charge AMP pour commencer…). Les principaux tags multimedia du HTML5, img, video, et audio, sont remplacés par des éléments spécifique à AMP : amp-img, amp-video, and amp-audio. La création de ces éléments permet à l’HTML AMP de traiter de façon spécifique les images et les vidéos qui pourront être controlées à la demande pour des questions de performance. C’est le script AMP qui se chargera, par exemple, de prioriser, ou de rejeter certaines ressources dans la fenêtre du navigateur, ou de les pré-charger selon les cas.

Les CSS sont aussi sévèrement limitées dans ce format de publication, les propriétés CSS utilisées pour l’animation par exemple.

En surchargant le moteur de rendu du navigateur mobile, AMP peut charger ou rejeter des ressources à la demande, sans se préoccuper des images tant qu’elles ne sont pas entrées dans la vue d’affichage, ou en chargeant le contenu éditorial en premier, avant les publicités… AMP permet le contrôle du temps d’affichage, d’une façon très “paresseuse”.

Optimisation du chargement On comprend facilement comment AMP s’en sort pour l’optimisation ! Pour le meilleur, ou pour le pire, il s’agit d’une sorte de régression technologique de la façon dont le web et les technologies a évolué ces dernières 10 années. Les exemples qu’on peut trouver de pages AMP montrent les écrans d’un web qui ressemble à celui du début des années 2000 soudainement apparu sur l’écran d’un téléphone. L’horreur !

Un projet open source, mais on est face à une nouvelle branche du HTML, un fork comme on dit en développement. Et des tags comme amp-img remplacent des éléments qui ont leur place dans le web ouvert depuis des années…

Cette “évolution”, ne renforce-t-elle pas cette sensation de “jardin privé” avec ses hauts murs ? On reparle des débuts du web ou des éditeurs (comme Microsoft) on tenté d’adapter le HTML pour qu’il ne fonctionne correctement que dans leurs environnements. Alors que les standards du web ont oeuvré avec acharnement pendant des années pour rassembler les navigateurs et les développeurs sur le pont et les faire s’accorder sur des standards partagés pour construire le web.

Et voilà que l’AMP vous demande de construire votre site web dans un univers parallèle qui lui retire non simplement les éléments lents, mais d’abord les éléments qui pourraient être lents… Comme un bloqueur de publicité qui supprime toutes les pubs, sans distinction, AMP rejète tout les Javascript, pas uniquement le mauvais.

Vous pouvez intégrer des éléments dans une page AMP, avec les extensions autorisées amp-youtube ou amp-twitter. Un avantage pour ces companies qui ont fait ajouter ces tags dans les spécifications ! Au détriment des tags du standard HTML supprimés, disponible pour tous et partout… Sauf ici.

AMP c’est pour les news…

AMP pour des news light Google a conscience que AMP ne s’envisage pas pour toutes les pages. Et que le Javascript permet la mise en oeuvre d’application web évoluées. Mais le contenu statique ne nécessite pas forcement son utilisation. Un titre, un texte et une image n’ont pas besoin de JS pour s’afficher.
On ne pourra pas construire des cartes interactives ou des visualisation de données spectaculaires en AMP. Mais le concept tient malgrès tout la route pour ces articles du quotidien qui constituent la plupart du contenu produit par les éditeurs de presse.

Avec AMP vous pouvez aussi bien produire 2 versions différentes de vos pages web (HTML et AMP HTML), ou les convertir toutes en AMP.
Par exemple cet article du site “The Verge” sur l’annonce de l’AMP. (A voir ici ). Le code inclus une ligne qui propose au navigateur la version AMP de la page.

<link rel="amphtml" href="http://www.theverge.com/platform/amp/2015/10/7/9467149/google-accelerated-mobile-pages-caching-preview">
On peut découvrir la version “dégradée” de la page en version AMP

Pour information, la version “normale” pèse environ 1,3 Mo et est affichée en 2,60 secondes pour être chargée complètement en 5,8 secondes.
La version AMP pèse environ la moitié, soit 777 kb, s’affiche en 0,47 secondes pour être complètement chargé en 1,34 secondes.
Voilà de quel genre de gain en vitesse on parle !
Bien sur en renonçant aux publicités et aux trackers d’audience et plus…

Un web “nettoyé” ? Mais plus triste ?

Certe on peut penser et croire à la fois que que le web présente trop de packages d’analyse ou d’affichage de publicité qui en font un joyeux fouillis et que les éditeurs n’ajoutent pas ces choses sur leurs pages juste pour ennuyer leurs visiteurs. Elles ont une valeur (financière, à des fins d’analyse, pour l’intérêt éditorial…) pour eux. AMP fait ces choix à leur place…
Javascript out ! Google avance qu’il reste de la place pour de l’interactivité sur les pages AMP sans script. Cela perturbe tout de même le développeur qui construit habituellement cette interactivité qui repose sur des scripts, qu’il soient open source ou écrits a la mano. Il peut s’inquieter de l’existence d’un format de publication où aucun d’entre eux ne fonctionnera plus…

Hey mr Google… Et les pubs ?

Pour la plupart, l’affichage des publicités utilise du javascript personnalisé, banni du langage AMP
Ouf ! Il existe un tag pour cela : amp-ad (tout de même !-). Si aucun Javascript fourni par un réseau publicitaire ne peut tourner dans un document AMP, le runtime AMP charge et exécute le JS du réseau dans un iFrame spécialisé…

Mais… Seuls 5 réseaux sont autorisés et implémentés dans ce système dans un premier temps. Tiens tiens… 4 d’entre eux sont propriété de Google, Amazon et AOL… Une fois de plus, ce sont ceux de la cour des grands qui ont l’avantage dans l’affaire…

What else ?

AMP consite aussi dans un environnement technique de mise en cache des pages dans ce format, sans qu’aujourd’hui les modalités de déploiement ne soit forcement connue. La mise en cache n’est pas obligatoire pour le fonctionnement de l’environnement.

On a aussi annoncé que l’indexation ne privilégiera pas spécialement les pages de l’un ou l’autre format que devraient être à égalité dans les résultats de recherche… On peut en douter comme on sait l’importance du facteur de vitesse de chargement dans le classement des pages. Soit.

Pour conclure…

AMP est une accumulation des bonnes idées et de bonnes intentions apparamment. Le format améliore réellement et accélère les temps de chargement.

En contrepartie, pour la plupart des éditeurs cela implique de mettre en place 2 versions parallèles du contenu. Ce qui représente du temps et des ressources.

Il va falloir renoncer à la plupart des techno d’affichage de publicités et d’analyse d’audience habituelles. On échange ici les standards du web contre un écosystème inventé par des ingénieurs de Google qui, avec les meilleures intentions, ont des objectifs qui ne correspondent pas forcement exactement à ceux des éditeurs.

Et nous voilà face à un autre cas où une compagnie du secteur high tech qui, en même temps que de promettre une meilleure expérience aux utilisateurs, enlève encore de la liberté aux éditeurs de contenu… Ce qui, bien sur, est une bonne chose à faire pour une compagnie du secteur !

La promesse d'une meilleure expérience utilisateur

Blogger et WordPress ont donné à tout le monde les moyens de publier du contenu en ligne. Même si cela à ennuyé les professionnels, ce fut une nette avancée pour les utilisateurs.

Google, Facebook et Twitter Google, Facebook et Twitter ont créé des plateformes fantastiques pour découvrir du contenu interressant… Cela a sûrement ennuyé les professionnels, mais ce fut une nette avancée pour les utilisateurs.

Apple a créé une plateforme applicative et promis avec elle une expérience fantastique pour les utilisateurs d’iPhones et autre iPads… Les éditeurs professionnels ont là aussi ralé… A la différence des utilisateurs qui ont applaudi.

Et nous, qui lisons des choses sur nos téléphones, pourrions tirer avantage d’une techno comme AMP ou un truc du genre si cela se généralise ? Mais il s’agit d’une autre affaire que de savoir si cette techno a du sens pour les éditeurs de contenu professionnels.
On peut se le demander…


Ce post est une traduction libre de cet article :
Ce que les éditeurs doivent savoir à propos du nouveau plan de Google pour accélérer votre site web

A lire aussi (en anglais) :
La Non-Conférence sur le futur de l’actualité Newsgeist
Le projet Accelerated Mobile Pages (page officielle)
Sur GitHub : HTML pour AMP, code source, exemples et documentation